Portraits d’Artistes-Man Ray

Portraits d’Artistes-Man Ray

10 choses à connaître sur la vie de:

Man Ray-« Unconcerned, but not Indifferent »

Illustration:

Man Ray mit photokina-Auge, photokina 1960 (détail)

Auteur: Leo Fritz Gruber

Date de création : 1960

Introduction

Les Années 20, surnommées les « Années Folles », ont été une époque de bouillonnement créatif et d’innovations artistiques. Au cœur de ce tumulte, Man Ray, né Emmanuel Radnitzky le 27août 1890 à Philadelphie (États-Unis), a émergé comme un pilier de l’art du XXème siècle. Sa carrière a traversé les mouvements dadaïste et surréaliste, marquant l’avant-garde artistique à New York puis à Paris.

Dans cette période de post-guerre, la collaboration avec Marcel Duchamp et son exploration incessante entre peinture et photographie ont défini son approche novatrice. Scrutons dix aspects essentiels de la vie, de l’œuvre et de la philosophie de Man Ray, l’artiste qui a navigué main dans la main avec les artistes européens à travers l’effervescence des années 20.

1. L’Apparition de Man Ray :

Le surnom « Man Ray » (Emmanuel « Manny » Radnitzky) est né d’un besoin d’intégration lors de l’arrivée de sa famille aux États-Unis, fuyant les pogroms juifs russes. Son désir précoce de devenir artiste s’est formé à la Modern School du Ferrer Center (qui fonctionne à Manhattan puis Harlem, selon les principes de l’éducateur libertaire catalan Francisco Ferrer), où il a rencontré des poètes et artistes, jetant les bases de son parcours artistique. Cette formation anarchiste est déterminante puisqu’elle le libère très tôt du respect des valeurs établies, désacralise à ses yeux les techniques d’expression traditionnelles et l’encourage à ne suivre que sa propre nécessité individuelle dans toutes ses innovations.

Portraits d'Artistes-Man Ray

« The Modern School », New York, circa 1911-1912

Francisco Ferrer Guardia

Francisco Ferrer Guardia

2. Man Ray à New York

Les débuts de la carrière de Man Ray à New York ont été marqués par une exploration passionnée du monde artistique en plein essor au début des années 1900. Sa quête artistique l’a conduit à la Galerie 291, dirigée par le photographe renommé Alfred Stieglitz. Cette galerie était un foyer d’effervescence créative, exposant des artistes émergents et favorisant l’éclosion de nouvelles idées artistiques. La fréquentation de cet espace a profondément influencé Man Ray et a contribué à façonner ses premières perceptions artistiques.

Par la suite, son parcours professionnel l’a conduit à explorer divers domaines, travaillant en tant que graveur, puis s’immergeant dans le monde de la publicité, avant de s’épanouir en tant que dessinateur chez un éditeur de cartes. Ces expériences variées ont enrichi son bagage artistique et ont joué un rôle crucial dans le développement de sa perspective créative.

L’une des collaborations les plus significatives de cette période a été formée avec son ami proche, Marcel Duchamp. Ensemble, ils ont constitué la branche américaine du mouvement dada, un mouvement artistique radical qui rejetait les conventions établies et embrassait l’absurdité et le non-sens. Malgré quelques tentatives artistiques initiales qui n’ont pas connu le succès escompté, dont une publication sur le dada new-yorkais en 1920, Man Ray a finalement conclu que l’énergie bouillonnante et subversive du mouvement dada ne pouvait pas s’épanouir pleinement à New York. Ce constat a marqué un tournant dans sa carrière, le conduisant à explorer de nouveaux horizons artistiques et à rejoindre l‘épicentre créatif de Paris.

Alfred Stieglitz-Galerie 291

Alfred Stieglitz à la Galerie 291 – New York

Portraits d'Artistes-Man Ray

« Man Ray et Marcel Duchamp », Naomi Savage (1927-2005)

3. Collaboration avec Marcel Duchamp

La rencontre décisive avec Marcel Duchamp en 1915 a marqué le début d’une collaboration artistique féconde qui a profondément influencé le travail de Man Ray. Leur association a donné naissance à des œuvres novatrices et provocantes, révolutionnant les frontières traditionnelles de l’art. Parmi leurs créations les plus emblématiques, « Élevage de poussière » (1920) se distingue par son caractère expérimental et sa capacité à interroger la perception du spectateur.

Dans cette œuvre audacieuse, Duchamp et Man Ray ont délibérément semé le doute dans l’esprit du spectateur. « Élevage de poussière » joue avec les notions de réalité et d’illusion, défiant les attentes visuelles du public. La nature de l’œuvre suscite des interrogations fascinantes : est-ce un champ de bataille ou simplement des monticules de poussière ? Est-ce un plan large ou un cadrage rapproché ? Ces ambiguïtés délibérées mettent en lumière l’engagement des deux artistes dans la remise en question des conventions artistiques établies.

La collaboration entre Man Ray et Marcel Duchamp ne se limite pas à la simple création artistique. Ensemble, ils ont jeté les bases d’une approche plus conceptuelle de l’art, explorant la redéfinition de ce qu’est une œuvre d’art et défiant les normes traditionnelles. Leur humour décalé, leur sarcasme artistique et leur fascination pour l’expérimentation ont donné naissance à des œuvres qui transcendent les limites de la compréhension conventionnelle de l’art, marquant ainsi une époque de bouillonnement créatif au sein du mouvement surréaliste et dadaïste.

Man Ray- Élevage de Poussière

« Élevage de Poussière », Man Ray (1920)

Man Ray et Marcel Duchamp-Paris (1924)

Marcel Duchamp et Man Ray jouant aux échecs sur les toits du Théâtre des Champs-Elysées, Paris  dans Entr’acte, 1924, film de René Clair et Francis Picabia.

4. Dadaïsme et Peinture Abstraite

Man Ray a émergé comme une figure pionnière dans le paysage artistique des années 1910 en embrassant le dadaïsme, un mouvement artistique radical qui rejetait les normes traditionnelles et prônait la spontanéité créative. Sa participation au dadaïsme, surtout à New York, fut marquée par un rejet délibéré des conventions artistiques établies.

Dans cette période, Man Ray a amorcé une rupture audacieuse avec la tradition académique, refusant les chemins artistiques tracés et les normes esthétiques conventionnelles. Son œuvre emblématique « Tapestry », créée en 1911, témoigne de cette rupture. Utilisant des échantillons de tissus récupérés de l’atelier de ses parents, Man Ray a créé une tapisserie abstraite qui marquait son engagement envers une esthétique nouvelle et provocante.

Cette œuvre n’était pas simplement une composition artistique, mais une déclaration de l’intention de Man Ray de se libérer des contraintes imposées par la tradition artistique. « Tapestry » était une œuvre totale, une fusion d’éléments visuels et matériels qui défiait les attentes de l’art de l’époque. Le dadaïsme a fourni à Man Ray un cadre conceptuel pour remettre en question, voire subvertir, les conventions artistiques, jetant ainsi les bases de son exploration continue des frontières de la créativité.

Man Ray-Tapestry (1911)

« Tapestry », Man Ray (1911)

Man Ray-Peintre

Man Ray Peintre

ManRay-Testament Dada (1958)

« Testament Dada », lettre de Man Ray (1958)

5. Paris et les Surréalistes

En 1921, poussé par l’influence de Marcel Duchamp, Man Ray prend la décision audacieuse de quitter New York pour s’installer à Paris. Cette ville cosmopolite et artistiquement bouillonnante devient le terrain de jeu idéal pour l’épanouissement de sa créativité. Plongé au cœur de l’effervescence artistique des surréalistes, Man Ray trouve rapidement sa place parmi les esprits innovants qui cherchent à transcender les limites de la réalité et à explorer les profondeurs de l’inconscient.

À Paris, Man Ray devient rapidement le photographe officiel du mouvement surréaliste. Sa lentille captivante saisit l’esprit révolutionnaire de l’époque et immortalise des figures emblématiques telles qu’André Breton et Tristan Tzara. Ses portraits, bien au-delà de simples représentations visuelles, deviennent des documents historiques, capturant l’essence même des personnalités qui ont contribué à redéfinir l’art et la pensée.

L’atmosphère collaborative et expérimentale de Paris dans les années 1920 alimente la créativité de Man Ray. Il travaille en étroite collaboration avec d’autres artistes surréalistes, contribuant à des projets novateurs et repoussant les frontières de l’expression artistique. La photographie devient un moyen par lequel Man Ray exprime les idéaux surréalistes, utilisant l’image fixe pour explorer l’inconscient, la symbolique et la dimension onirique de la réalité.

Cette période parisienne est marquée par une intense exploration artistique, où Man Ray trouve une liberté d’expression sans entraves et une communauté d’esprits créatifs qui stimulent son imagination. Sa contribution au surréalisme, en particulier en tant que photographe, laisse une empreinte indélébile sur l’histoire de l’art du 20e siècle.

Man Ray-A Group of Paris Dadaists (1921)

« A Group of Paris Dadaists », Man Ray (1921)

Man Ray - Andre Breton (1930)

« André Breton », Man Ray (1930)

Man Ray - Tristan Tzara (1922)

« Tristan Tzara », Man Ray (1922)

6. Le Cinéma Expérimental

Entre 1924 et 1929, Man Ray entreprend une incursion audacieuse dans le monde du cinéma, considérant ce médium comme une extension naturelle de sa recherche artistique. Sa transition vers le cinéma s’inscrit dans la continuité de sa quête inlassable d’innovation et d’exploration de nouveaux horizons artistiques. Bien que ses incursions dans le septième art demeurent principalement expérimentales, elles révèlent une volonté constante de repousser les limites créatives et de traduire ses idées novatrices dans un langage cinématographique.

Man Ray, en tant que cinéaste, adopte une approche non conventionnelle du medium. Ses films, souvent qualifiés d’expérimentaux, sont empreints de la même esthétique avant-gardiste qui caractérise son travail photographique et artistique. Pendant cette période, le cinéma était encore un terrain relativement inexploré, offrant à Man Ray l’opportunité d’expérimenter avec la narration visuelle, la composition et les effets visuels.

Parmi ses œuvres cinématographiques notables, on compte des courts métrages tels que « Le Retour à la Raison » (1923) et « L’Étoile de Mer » (1928). Ces films se distinguent par leur approche non conventionnelle du récit et leur utilisation inventive de techniques cinématographiques. « Le Retour à la Raison » intègre des images abstraites créées avec la technique du rayogramme, une méthode expérimentale utilisée par Man Ray dans la photographie.

Bien que ses tentatives cinématographiques n’aient pas connu le même succès commercial que ses autres œuvres, elles témoignent de son engagement envers l’expérimentation artistique totale. Man Ray considérait le cinéma comme un moyen d’explorer de nouvelles dimensions expressives et de traduire sa vision artistique dans un médium en évolution constante. Ses films expérimentaux, bien que parfois méconnus, contribuent à enrichir son héritage artistique, soulignant son rôle de pionnier dans l’exploration des frontières de l’art au XXe siècle.

Man Ray - Le Retour à la Raison (1923)

« Le Retour à la Raison », film de Man Ray (1923)

Man Ray - L'Étoile de Mer (1928)

« L’Étoile de Mer », film de Man Ray (1928)

7. La Peinture ou la Photographie?

La dualité entre peinture et photographie a profondément marqué toute la carrière artistique de Man Ray, soulignant sa capacité à naviguer entre ces deux disciplines distinctes avec une aisance remarquable. Cette dualité reflète son approche novatrice et son refus de se conformer aux catégories artistiques traditionnelles.

Dès ses débuts artistiques à New York, Man Ray se lance dans la peinture, fréquentant la Galerie 291 d’Alfred Stieglitz et explorant la scène artistique contemporaine. Cependant, ses premières tentatives de peinture ne rencontrent pas le succès escompté, et les critiques de ses professeurs le poussent même à abandonner cette voie. C’est dans cette période de frustration que Man Ray se tourne vers la photographie, initialement comme un moyen de documenter ses œuvres.

La révélation survient en 1920 lorsque Man Ray réalise qu’il peut utiliser la photographie non seulement comme un outil documentaire, mais comme un moyen d’expression artistique à part entière. Il commence à expérimenter avec la photographie, capturant des images qui transcendent la simple représentation visuelle. Ses photographies deviennent des œuvres autonomes, alliant composition soigneusement construite et esthétique innovante.

La photographie offre à Man Ray une nouvelle voie créative, lui permettant d’explorer des idées et des concepts qui ne peuvent être pleinement exprimés à travers la peinture. Cependant, il ne renonce jamais complètement à la peinture, continuant à peindre tout au long de sa carrière. Pour Man Ray, la photographie et la peinture ne sont pas des modes de création mutuellement exclusifs, mais plutôt des moyens complémentaires d’exprimer sa vision artistique.

La maîtrise de Man Ray dans l’art de la photographie réside dans sa capacité à capturer la beauté subtile à travers des compositions soigneusement orchestrées. Chaque photographie devient une toile sur laquelle il peint avec la lumière, modelant l’espace, la forme et la texture. Cette dualité entre peintre et photographe définit la singularité de l’approche artistique de Man Ray, démontrant son désir constant d’innovation et de transcender les frontières artistiques conventionnelles.

Man Ray - Portrait of Juliet

« Portrait of Juliet », huile sur toile de Man Ray (1947)

Man Ray - Juliet (1947)

« Juliet », photographie de Man Ray (1947)

Man Ray - À l'Heure de l'Observatoire les Amoureux (1970)

« À l’heure de l’Observatoire les Amoureux », lithographie de Man Ray (1932-1934)

Man Ray - Peignant "À L'heure de l'Observateur les Amoureux" (vers 1934)

Man Ray peignant « À l’heure de l’Observatoire les Amoureux » (vers 1934)

8. La Sensualité au Féminin

Le corps féminin émerge comme une préoccupation artistique centrale dans l’œuvre de Man Ray, et sa représentation va au-delà de la simple esthétique pour devenir une exploration profonde de la sensualité et du désir humain. Les relations intimes de Man Ray, notamment avec des femmes emblématiques comme Kiki de Montparnasse et Lee Miller, jouent un rôle essentiel dans la façon dont il aborde la représentation du corps féminin.

Les femmes ne sont pas seulement des modèles pour Man Ray, mais plutôt des muses qui inspirent et alimentent son processus créatif. Kiki de Montparnasse, chanteuse, actrice et modèle, devient l’une des figures emblématiques de l’avant-garde parisienne et de l’œuvre de Man Ray. Leur relation personnelle se traduit par une série de photographies qui transcendent la simple capture visuelle pour devenir des méditations artistiques sur la beauté, la passion et la sensualité.

La rencontre avec Lee Miller, photographe elle-même, marque une autre phase importante dans la vie et l’œuvre de Man Ray. Leur collaboration artistique et romantique donne naissance à des images emblématiques qui révèlent une approche avant-gardiste de la représentation du corps féminin. Man Ray, avec une sensibilité artistique distinctive, utilise la lumière, l’ombre et la composition pour capturer la sensualité de ses modèles d’une manière qui transcende les conventions de son époque.

Les photographies de Man Ray ne se contentent pas de documenter la forme physique ; elles explorent la psyché féminine, capturant des moments d’intimité et des expressions qui révèlent la complexité du désir. Son regard artistique a le pouvoir de transformer des instants fugaces en compositions intemporelles, soulignant la beauté et la puissance du corps féminin dans toute sa diversité.

En mettant en scène ses modèles dans des arrangements recherchés, Man Ray va au-delà de la simple représentation visuelle pour créer des œuvres qui célèbrent la féminité dans toutes ses nuances. Sa vision novatrice de la sensualité féminine influence profondément le mouvement surréaliste et élargit les frontières de la photographie artistique, faisant de Man Ray une figure emblématique de l’exploration artistique de la beauté et du désir humain.

Man Ray-Kiki de Montparnasse (1920)

« Kiki de Montparnasse », photographie de Man Ray (1920)

Man Ray - Lee Miller (1929-1932)

« Lee Miller », photographie de Man Ray (1929-1932)

Man Ray - Noire et Blanche (1926)

« Noire et Blanche », photographie de Man Ray (1926)

9. Un artiste Novateur

Man Ray a été un innovateur majeur dans le domaine de la photographie, révolutionnant cette forme d’expression artistique de plusieurs manières. Voici quelques exemples concrets de ses contributions novatrices :

1. Rayographies : Man Ray est le créateur des « rayographies », une technique photographique sans appareil qui consiste à placer des objets directement sur du papier photosensible et à les exposer à la lumière. Ce procédé, également appelé photogramme, permet à l’artiste de jouer avec la composition, la lumière et les ombres de manière totalement nouvelle, éliminant la nécessité d’un appareil photo traditionnel.

2. Solarisation : Il a perfectionné la technique de solarisation, un processus qui implique une exposition excessive à la lumière pendant le développement de la photographie. Cela crée un effet étrange où les zones sombres deviennent lumineuses et vice versa. Cette manipulation délibérée des tonalités a ajouté une dimension surréaliste à ses œuvres.

3. Photographie de mode expérimentale : Man Ray a été l’un des premiers à introduire des techniques artistiques dans la photographie de mode. Travaillant avec des magazines tels que Vogue, il a utilisé des éclairages innovants, des cadrages audacieux et des manipulations créatives pour transformer la photographie de mode en une forme d’art à part entière.

4. Innovation dans le portrait : Ses portraits sont souvent considérés comme des œuvres d’art à part entière, allant au-delà de la simple représentation réaliste. En expérimentant avec des angles uniques, des jeux d’ombre et de lumière, et des techniques de double exposition, Man Ray a créé des portraits qui capturent l’essence même de ses sujets de manière distinctive.

5. Dadaïsme et surréalisme : En tant que membre actif des mouvements dadaïste et surréaliste, Man Ray a utilisé la photographie comme moyen d’exprimer l’absurde et l’inconscient. Ses œuvres ont souvent incorporé des éléments de rêve, de symbolisme et d’humour, défiant les conventions photographiques de son époque.

6. Manipulation créative : Man Ray était un pionnier dans la manipulation créative des négatifs. Il expérimentait avec des techniques telles que le surréalisme et la solarisation pour créer des effets visuels uniques et souvent énigmatiques.

L’ensemble de ces contributions a élevé la photographie au rang d’art expérimental et a ouvert de nouvelles perspectives pour les générations futures de photographes. Man Ray a démontré que la photographie n’était pas seulement un moyen de documenter la réalité, mais un médium artistique à part entière, capable de transcender les limites de la représentation traditionnelle.

Man Ray - Rayographie

Technique de la « Rayographie »

Man Ray - Meret Oppenheim (1933)

Technique de « Solarisation » (Meret Oppenheim, 1933)

Man Ray - Réflexions (1929)

« Réflexions », photographie prise à travers des billes de verre (1929)

Man Ray-Le Violon d'Ingres (1924)

« Le Violon d’Ingres » (1924)

Man Ray - Veiled Erotic Meret Oppenheim(1933)

« Veiled Erotic Meret Oppenheim » (1933)

Man Ray - Glass Tears (1932)

« Glass tears » (1932)

Man Ray - Solarisation (1931)

« Solarisation » (1931)

10. Un Héritage Durable

L’héritage durable de Man Ray dans la photographie contemporaine et le surréalisme se manifeste à travers plusieurs aspects clés, chacun ayant influencé des générations ultérieures de photographes et d’artistes :

1. Expérimentation Technique : Man Ray a ouvert la voie à une exploration plus poussée des techniques photographiques. Sa manipulation créative des négatifs, la solarisation, et les rayographies ont inspiré de nombreux photographes contemporains à repousser les limites de la technique photographique. Des artistes comme Jerry Uelsmann, par exemple, ont adopté des approches similaires en superposant et en combinant des images pour créer des compositions uniques.

2. Photographie de Mode Artistique : L’influence de Man Ray sur la photographie de mode persiste dans l’approche artistique adoptée par de nombreux photographes contemporains. Des artistes comme Tim Walker ont repris l’idée d’utiliser la photographie de mode comme un moyen d’expression artistique, intégrant des éléments surréalistes et des concepts innovants dans leurs séries de mode.

3. Portraits Artistiques : Les portraits de Man Ray, qui vont au-delà de la simple représentation réaliste, ont inspiré une nouvelle génération de photographes à considérer le portrait comme une forme d’art plutôt que simplement comme une documentation. Des photographes contemporains, tels que Cindy Sherman, ont exploré la nature performative du portrait de manière similaire, jouant avec des identités multiples et des mises en scène complexes.

4. L’Exploration de la Sensualité : La manière dont Man Ray a exposé la sensualité dans ses photographies a eu un impact significatif sur la représentation du corps humain dans la photographie contemporaine. Des artistes comme Helmut Newton ont adopté une approche similaire en capturant la sensualité d’une manière provocante et artistique.

5. Surréalisme et Narration Visuelle : Man Ray a montré que la photographie peut être utilisée comme un outil puissant pour raconter des histoires visuelles et explorer l’inconscient. Des photographes contemporains, tels que David LaChapelle, continuent à intégrer des éléments surréalistes dans leurs œuvres pour créer des récits visuels étonnants et détonnants.

6. Fusion de la Peinture et de la Photographie : Man Ray a établi un lien significatif entre la peinture et la photographie, démontrant que ces deux médiums pouvaient coexister harmonieusement. Des artistes contemporains, tels que Gerhard Richter, ont exploré cette dualité en fusionnant la peinture abstraite avec la photographie, créant des œuvres qui transcendent les frontières traditionnelles entre les deux formes d’art.

En résumé, l’héritage de Man Ray réside dans sa capacité à repousser les frontières de la photographie, à introduire des éléments surréalistes dans le médium et à démontrer que la photographie peut être bien plus qu’une simple représentation réaliste. Ces idées continuent à inspirer et à influencer la scène artistique contemporaine, faisant de Man Ray une figure emblématique dont l’impact perdure.

Tim Walker-Vogue Japon (2003)

Tim Walker – Vogue Japon (2003)

Cindy Sherman - Untitled (1975)

Cindy Sherman – Untitiled (1975)

David La Chapelle - Uma Thurman

Davide La Chapelle – Uma Thurman

Gerhard Richter - Frauenkopf im Profil (1966)

« Frauenkopf im Profil », Gerhard Richter (1966)

BONUS: Man et Lee, l’Amour de l’Art

L’histoire de l’art est souvent tissée de relations passionnées qui transcendent les limites conventionnelles, et l’union entre Man Ray et Lee Miller ne fait pas exception. Leur connexion va bien au-delà de l’amour, se manifestant également dans leur collaboration artistique et leur exploration commune des frontières créatives.

Rencontrée à Paris dans les années 1920, Lee Miller, initialement élève et modèle de Man Ray, est rapidement devenue bien plus qu’une muse pour le célèbre photographe surréaliste. Leur relation a été marquée par une complicité artistique profonde, chaque cliché capturant non seulement l’image physique de Miller, mais aussi l’énergie créative qui émanait de leur union.

Miller elle-même était une artiste avant-gardiste, passant du rôle de modèle à celui de photographe. Le duo a exploré ensemble de nouvelles techniques, repoussant les limites de la photographie expérimentale. Leurs collaborations, parfois empreintes de sensualité, ont également défié les conventions de l’époque, créant des images provocantes qui perdurent comme des icônes du surréalisme.

Cependant, comme beaucoup de grandes histoires, la relation entre Man Ray et Lee Miller a connu des hauts et des bas. Leur amour s’est parfois heurté aux tumultes de la vie, mais l’empreinte artistique qu’ils ont laissée perdure. Les photographies de Miller par Man Ray, et vice versa, sont des témoignages intemporels de l’influence mutuelle qu’ils ont exercée l’un sur l’autre.

L’héritage de leur relation réside non seulement dans les images capturées, mais aussi dans la manière dont ils ont stimulé la créativité de l’autre. Man Ray et Lee Miller demeurent un exemple poignant de la puissance de l’amour et de l’art lorsqu’ils convergent, laissant derrière eux un legs qui transcende les époques et continue d’inspirer les esprits créatifs.

 
 
 
Man Ray et Lee Miller
Man Ray et Lee Miller-EIleen Tweedy

Man Ray et Lee Miller, photographie de Eileen Tweedy

Une Histoire (des histoires) à suivre…

VIDEO: Man Ray & Lee Miller – « Aimer c’est inventer », film de Johanna Prevet

Bibliographie:

 

  • « Man Ray: Photography and Its Double » par Emmanuelle de l’Ecotais

    Cette monographie explore le travail de Man Ray en tant que photographe et son impact sur le mouvement surréaliste. Il offre des analyses approfondies de ses œuvres emblématiques.

  • « Man Ray: African Art and the Modernist Lens » par Wendy A. GrossmanCet ouvrage se concentre sur l’influence de l’art africain sur le travail de Man Ray. Il explore la manière dont les formes et les idées de l’art africain ont façonné son approche artistique.
  • « Man Ray, Human Equations: A Journey from Mathematics to Shakespeare » par Wendy A. Grossman et Manfred Heiting
  • Cette publication examine le travail de Man Ray, en se concentrant particulièrement sur sa série photographique « Shakespearean Equations ». Elle analyse la manière dont la photographie de Man Ray interagit avec les concepts mathématiques et littéraires.
  • « Man Ray: Women » par Valerio Dehò

    Consacré aux portraits de femmes par Man Ray, cet ouvrage explore la manière dont l’artiste a capturé et conceptualisé la féminité à travers son objectif.

  • « Man Ray: La Photographie à l’envers » par Emmanuelle de l’Ecotais

    Une étude approfondie de la vie et de l’œuvre de Man Ray, cet ouvrage offre des perspectives nouvelles sur son approche de la photographie et son rôle dans le mouvement surréaliste.

  • « Man Ray: Writings on Art » par Jennifer Mundy

    Une collection de textes écrits par Man Ray lui-même, cet ouvrage donne un aperçu direct de sa pensée artistique, de ses réflexions sur l’art et de ses interactions avec d’autres artistes.

  • « Man Ray: Unconcerned but Not Indifferent » par Noriko Fuku

    Un livre qui explore divers aspects de la vie et de l’œuvre de Man Ray, mettant l’accent sur sa carrière à Paris et son implication dans les mouvements artistiques du début du XXe siècle.

  • « Man Ray, Lee Miller: Partners in Surrealism » par Phillip Prodger

    Fournissant un regard approfondi sur la relation personnelle et artistique entre Man Ray et Lee Miller, cet ouvrage examine comment leur collaboration a façonné le surréalisme.

Portraits d’Artistes-Marc Chagall

Portraits d’Artistes-Marc Chagall

10 choses à connaître sur la vie de:

Marc Chagall

Illustration:

Marc Chagall

de Ida Kar
Vintage bromide print, 1954 @ National Portrait Gallery, Londres

1. Le Pèlerinage vers le Shtetl :

Marc Chagall est né le 7 juillet 1887 dans le village juif de Liozna, près de Vitebsk, dans l’Empire russe (aujourd’hui en Biélorussie). Ce contexte rural influencera profondément son œuvre, même après son émigration en France.

Window in the Country (Liozna) Marc Chagall 1915

« Window in the Country(Liozna) », Marc Chagall, 1915

2. De Vitebsk à Paris :

Après avoir étudié à l’école d’art de Vitebsk, Chagall part pour Saint-Pétersbourg, puis s’installe à Paris en 1910. La capitale française devient son foyer artistique, où il découvre le cubisme et le fauvisme tout en développant son propre style distinctif.

Chagall a souvent déclaré être « un mort-né ». Le 7 juillet 1887, jour de sa naissance, le village où vivait sa famille est attaqué par les Cosaques, et la synagogue incendiée. Le thème de l’enfance revient souvent dans ses œuvres, et malgré la pauvreté des familles juives russes à l’époque des tsars, l’artiste dépeint ses jeunes année comme une période heureuse.

"L'Atelier", Marc Chagall, 1910

L’ATELIER

Il s’agit de la pièce principale du premier appartement de Chagall à Paris, au cœur de Montparnasse. Bien que daté de 1910, le tableau ne peut avoir été peint avant 1911, date à laquelle, selon des sources sûres, Chagall arrive à Paris.

3. L’Amour éternel :

Le grand amour de Chagall, Bella Rosenfeld, était une jeune fille issue d’une famille d’orfèvres juifs fortunés. Le couple se marie en 1915, et leur fille Ida naît l’année suivante. Bella, que Chagall considérait comme son âme-sœur, apparaît dans plusieurs des ses œuvres. Lorsqu’elle décède en 1944, l’artiste entre dans une profonde dépression et cesse de peindre pendant neuf mois, avant de retrouver goût à la vie grâce à sa fille.

Bella Rosenfeld et Marc Chagall
Bella Rosenfeld et Marc Chagall

4. Chagall et la Révolution Russe :

Marc Chagall accueille avec enthousiasme la Révolution bolchevique en 1917, qui met fin à la guerre et fait des Juifs des citoyens comme les autres. Il devient Commissaire des arts à Vitebsk, dirige une école d’art, et organise festivals et manifestations révolutionnaires. Mais les leaders communistes locaux n’apprécient guère son art et l’on critique son « manque de vision révolutionnaire ». Il quitte ses fonctions et, refusant que son art soit censuré et acculé à la misère, il quitte son pays en 1922.

Marc Chagall L'Ouvrier 1920

Marc Chagall. — « L’Ouvrier », 1920-1921. Maquette de costume pour la pièce « Le Camarade Khlestakov », de Dimitri Smoline

5. La Fuite du Nazisme :

En 1937, Chagall s’installe en France, fuyant les persécutions nazies. Pendant la Seconde Guerre mondiale, il est déclaré « artiste dégénéré » par les nazis, et la plupart de ses œuvres exposées en Allemagne sont détruites.

Il doit fuir le régime de Vichy qui lui retire en 1943 la nationalité française qui lui avait été refusée dans un premier temps avant d’être enfin accordée en 1937. Grâce à une invitation du MOMA à New York et l’intervention du Rescue Committee, Chagall quitte fin 1940 la France pour se réfugier avec sa famille à New York pendant la 2e Guerre Mondiale.

Marc Chagall "Le Père"(1921)

Cette huile sur toile de 1911, Le Père, désormais estimée entre 6 et 8 millions de dollars, avait été achetée en 1928 par un luthier polonais juif, David Cender, qui avait perdu ses biens quand il avait été forcé de s’installer dans le ghetto de Lodz.

6. La Bible de Chagall :

Chagall était fasciné par la Bible. À la fin des années 50, il travaille sur un corpus de 17 œuvres d’art illustrant le message Biblique, qui constitue aujourd’hui la première partie de la collection du musée national Marc Chagall à Nice. Il crée également des fenêtres et une mosaïque extérieure pour le bâtiment, inauguré en 1973.

Sa série de gravures illustrant la Bible, publiée dans les années 1950, est considérée comme l’une de ses réalisations les plus significatives. Ces œuvres reflètent son identité culturelle et son attachement aux traditions juives.

Marc Chagall-Gravures

Marc CHAGALL – LA BIBLE. (Suite des eaux-fortes gravées de 1931 à 1939 – Tériade 1956).

7. Le Plafond de l’Opéra de Paris :

En 1964, Chagall crée un plafond pour l’Opéra Garnier de Paris. Cette œuvre monumentale, aux couleurs vives, représente neuf scènes d’opéras célèbres et témoigne de son intérêt pour le lien entre la musique et la peinture.

André Malraux, ministre des Affaires culturelles, décida en 1960 ce geste spectaculaire, hardi à l’époque : confier le décor du plafond de l’Opéra à Marc Chagall. Il y avait certes un précédent récent – qui n’était pas une réussite : le plafond peint par George Braque en 1952 dans la salle Henri II du Louvre à la place d’une peinture « officielle » d’antan. Ce ne fut pas un geste unique de la part de Malraux puisque, l’année suivante, il commanda aussi à André Masson un plafond pour le théâtre de l’Odéon.

Marc Chagall Opéra de Paris

Marc Chagall, Le plafond de l’Opéra Garnier (détail), inauguré en 1964, huile sur toile, 220 m2, Opéra national de Paris, Palais Garnier. © Jean-Pierre Delagarde / Opéra national de Paris / Palais Garnier © Adagp, Paris, 2023

8. Une Vie longue et Créative :

Marc Chagall continue à peindre jusqu’à la fin de sa vie. Il décède le 28 mars 1985 à Saint-Paul-de-Vence, en France, à l’âge de 97 ans. Son legs artistique demeure une source d’inspiration majeure pour un large éventail de créateurs, d’artistes contemporains jusqu’aux designers. Son impact demeure profondément enraciné dans l’inconscient collectif, nourrissant l’expression artistique à travers le temps.

Marc Chagall

9. L’Artiste des Cieux :

Chagall nourrissait une fascination profonde pour le thème du vol et des créatures célestes, ce qui se manifeste de manière évocatrice dans son œuvre. Ses personnages, souvent représentés en état de suspension dans l’espace, et les animaux qui les accompagnent ne sont pas simplement des éléments visuels, mais des symboles puissants de sa vision artistique. Ces images reflètent son engagement envers la spiritualité, illustrant son désir de transcender les limites terrestres et d’explorer des réalités plus élevées. Ainsi, chaque détail de ses tableaux devient une fenêtre ouverte sur son monde intérieur, où l’élévation devient une métaphore visuelle de sa quête spirituelle.

Marc Chagall "L'Oiseau de Feu" 1945

Maquette pour le rideau de scène de « L’Oiseau de feu » d’Igor Stravinsky, 1945. Gouache, encre de Chine, pastel, crayon coloré, 38,5 x 63,4 cm, Collection privée.

10. Chagall et son Message Universel :

Les racines juives profondément ancrées de Chagall sont une source d’inspiration constante dans son œuvre. Cependant, son art va au-delà des frontières religieuses et culturelles. S’immergeant dans une palette d’influences diverses, Chagall puise également dans d’autres cultures et religions pour enrichir sa création artistique. Cette fusion artistique transcende les distinctions traditionnelles et offre un message universel, où l’amour, la paix et l’harmonie deviennent des thèmes unificateurs. À travers cette démarche, Chagall illustre magistralement la capacité de l’art à célébrer la diversité humaine et à tisser des liens au-delà des différences, offrant ainsi une vision lumineuse et inclusive de l’expérience humaine.

Marc Chagall, La vie, 1964 Huile sur toile, 296 x 406 cm.

Marc Chagall, La vie, 1964 Huile sur toile, 296 x 406 cm.

Bonus: « L’Affaire Chagall » :

L’affaire Chagall, survenue à la fin des années 1980 et au début des années 1990, est une affaire criminelle de vol de tableaux du célèbre peintre Marc Chagall. Plus d’une vingtaine de lithographies et plus de soixante gouaches ont été dérobées, puis écoulées sur le marché de l’art entre 1988 et 1990, atteignant une valeur estimée à au moins 50 millions de francs, dont 19 millions à l’étranger. En 1994, une enquête policière est officiellement lancée à la suite d’une dénonciation téléphonique anonyme.

Vidéo:

Quatrième épisode de la saison 1 de la série « Portrait d’Artistes  : Marc Chagall,  Mon cirque se joue dans le ciel »